lundi 16 mars 2009

Au service de qui?

Lu dans le journal de février de la COTMEC

Le conseiller national Claude Ruey est monté au
créneau pour défendre l’Entraide protestante suisse
(EPER) dont il est le président. Non, celle-ci n’est
pas en train de se fourvoyer, ni de changer de cap1.
La nomination de M. Roland Decorvet, directeur
général de Nestlé Suisse, à son Conseil de fondation
ne remet en cause ni son orientation ni son action.
Et le profil du nouveau membre de ce Conseil est
parfaitement adéquat.
Cependant, quand M. Ruey décrit M. Decorvet, on
a plutôt l’impression qu’il nous parle de lui-même:
un protestant aux convictions claires et indépendant
d’esprit. Il y a une forte tradition en Suisse:
des personnalités des milieux politique et économique
sont présentes dans les Conseils de fondation
de diverses organisations d’entraide. Leur aura
personnelle est un gage de fiabilité et leur présence
assure une certaine visibilité. Jusqu’à présent,
il existait des règles implicites dans ce contrat: les
membres d’un Conseil de fondation s’engagent à
titre personnel et sont priés de ne pas «mélanger
les casquettes», de ne pas confondre les intérêts de
tel ou tel parti ou de telle ou telle entreprise avec
ceux de l’oeuvre d’entraide.
Ce principe pourrait être mis à mal par l’intérêt
croissant que porte l’économie privée, et particulièrement
les grandes entreprises, à ce que l’on appelle
le monde de la philanthropie. Créer une fondation
est du dernier chic et il arrive que des projets
d’aide au développement soient élaborés dans le
département «marketing» d’une multinationale
(quand, par exemple, une marque d’eau minérale
essaie de nous convaincre qu’en achetant ses bouteilles
on facilitera l’accès à l’eau potable dans les
pays du Sud...). Dans ce cas, il ne s’agit plus de s’engager,
ni de donner, mais plutôt d’utiliser et de tirer
parti. Les déclarations de M. Decorvet –interviewé
en tant que membre du Conseil de fondation de
l’EPER– à propos de «l’action humanitaire» de Nestlé,
sont à ce titre fort significatives. Or, ce risque
d’instrumentalisation ne guette pas seulement les
oeuvres d’entraide protestantes, loin de là.•
Virginie Estier dos Santos

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